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Crise au Mali : L’analyse de Caritas au Sahel

« Caritas au Sahel lance un appel à tous les membres de la confédération Caritas et aux organismes partenaires dans les initiatives de développement. Le Sahel est à la croisée des chemins. Si vous n’agissez pas maintenant, vous aurez probablement eu raison parce que la situation est difficile à cerner ou encore parce que les choix des Caritas du Sahel ne répondent pas à vos critères propres. Mais nous aurons certainement à faire face demain ensemble à des conséquences insurmontables. Nous demandons un véritable engagement de Caritas pour le Sahel. Ensemble nous serons plus forts pour relever les défis qui s’annoncent si importants. »


 

 

  Contexte de la crise

Le Mali est confronté depuis le début de l'année 2012, à la plus grave crise de son histoire récente. Alimentée par le retour de combattants venus de Libye après la chute de Mouammar Kadhafi, une rébellion touarègue a lancé des attaques contre des garnisons maliennes dans le nord du pays, début janvier 2012. Contestant la gestion du conflit du président malien, Amadou Toumani Touré, un groupe de sous-officiers, dirigés par le capitaine Amadou Sanogo prend le pouvoir à la suite d'un putsch militaire, le 22 mars 2012.

 

Après le coup d’Etat, les trois régions administratives du nord Mali : Tombouctou, Gao et Kidal tombent rapidement entre les mains de groupes armés conduits par le Mouvement National de Libération de l'Azawad (MNLA), Ançar Dine : mouvement islamo-politique dont la revendication est l'application de la loi islamique (Charia) sur l'ensemble du territoire malien ; Al-Quaïda au Maghreb Islamique (AQMI), mouvement terroriste, spécialisé dans l'enlèvement d’otages et le Mouvement pour l'Unicité et le Jihad en Afrique de l'Ouest (MUJAO), soutenu par le groupe islamo-terroriste Boko Haram. Au fil du temps, les 03 derniers groupes prennent le dessus sur le MNLA et s’emparent du nord malien qu’ils transforment en terre de violence sur les femmes et les populations par l’application sauvage de la loi islamique.

 

Développements récents

 

Le 10 janvier 2013, les groupes rebelles, après avoir interrompu les négociations de paix qui se tenaient au Burkina Faso et en Algérie, prennent successivement les villes de Konna (700 km au nord-est de Bamako) et de Diabali à l’ouest du pays (autour de 400 km de Bamako), lors d'une offensive surprise des combattants islamistes. L’objectif est de déclencher un désordre qui entrainerait la chute du pouvoir de transition et de s’emparer du pouvoir d’Etat pour instaurer sur le Mali puis sur la sous région sahel une charia. Cette offensive déclenche l'intervention de la France, qui redoutait une percée vers Bamako (sud) des jihadistes. Cette intervention, dénommée « Opération Serval », s’est d’abord traduite par des frappes aériennes, puis par un engagement de troupes au sol. Actuellement, plus de 2.500 soldats français sont présents au Mali.

 

Du côté africain, la Mission internationale de Soutien au Mali (MISMA) organise le déploiement de ses troupes. Huit pays ouest-africains - Nigeria, Togo, Bénin, Sénégal, Niger, Guinée, Ghana et Burkina Faso - plus le Tchad ont déjà annoncé leur contribution à la MISMA. Au total, près de 5.300 soldats du continent africain seront déployés au Mali, pour renforcer à terme le dispositif de l'armée française et de malienne.

 

Il semble à la date du 22 janvier 2013 que les jihadistes, ont été chassés de Diabali et de Konna. Cependant une prise d’otage en Algérie sur le site gazier de Tiguentourine, à une quarantaine de kilomètres au Sud d’In Amenas, dans le Sud-est de l’Algérie, à un jet de pierre de la frontière avec la Libye, repose le problème de l’engagement des pays riverains du Mali dans la crise malienne. Le 17 janvier 2013, les Algériens ont lancé un assaut pour libérer les otages avec un dénouement sanglants avec plus de 30 otages tués avec les terroristes.

 

La guerre va continuer encore des jours, et peut être des mois encore ! L’armée malienne, les troupes françaises, Tchadiennes et celle de la MISMA vont avancer vers le nord du pays à la rencontre des jihadistes. La guerre s’est installée avec ses multiples conséquences immédiates et à long terme. Caritas au Sahel ne saurait donc être absente de cette tragédie régionale.

 

 Les estimations du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR) font état de 300.000 déplacés supplémentaires au Mali et de 400.000 dans les pays voisins dans un avenir proche. Le 20 février 2013, 69 221 réfugiés étaient enregistrés en Mauritanie contre 53 841 pour le Niger et 47205 au niveau du Burkina Faso. A la même date, le Mali enregistrait 205 840 personnes déplacées internes.

Ces déplacements de populations dus à l’intensification des combats pourraient se renforcer dans les jours ou semaines à venir. Les populations hésitent encore à partir de peur d’être confondues à des combattants ou d’être victimes d’erreurs lors des bombardements car il n’existe pas encore de couloirs humanitaires. Les jihadistes sont d’ailleurs accusés de vouloir utiliser les populations civiles comme bouclier humain.

 

Il est à noter une nette intensification du niveau d’insécurité dans les pays de la sous région malgré le sentiment général de soulagement après l’intervention de l’armée française. Il est à craindre dans les différents pays le réveil de cellules dormantes islamistes entrainées et bien équipées qui pourraient causer des désordres, perpétrer des enlèvements ou des attentats etc.

 

Lors de l’élaboration du plan de contingence régional par les Caritas du Sahel en novembre 2012 à Ouagadougou, le scénario de la guerre semblait le plus probable. Il s’est réalisé de manière précoce. Tout le monde savait qu’il y aurait la guerre mais les questions « par qui, quand et comment » faisaient objet de mille supputations. Les conséquences majeures que nous avions identifiées étaient les suivantes :

Au niveau sociopolitique :

- Afflux massifs de réfugiés maliens niveau des pays limitrophes;

- Crise humanitaire majeure ;

- Crise alimentaire et sécuritaire;

- Déplacement des populations (et leurs bétails) à l’intérieur et vers les pays frontaliers ;

- Radicalisation possible sur le plan religieux,

- Cohabitation difficile entre réfugiés et populations autochtones ;

- Attentats et enlèvements d’humanitaires.

- Blessés de guerre ;

-Dégradation des conditions de santé, d’hygiène et d’assainissement et risque d’épidémies ;

- Recrudescence du grand banditisme et augmentation des violations des droits humains

Au niveau économique :

- Renchérissement du coût de la vie;

- Réduction de l’aide au développement;

- Fragilisation de l’économie;

- Augmentation des prix ;

- Dégradation de l’environnement (bois de chauffe, abris…)

- Dégradation des ressources naturelles ;

- Baisse de l’activité touristique

Caritas Mali, Caritas Sénégal, CADEV Niger, OCADES Caritas Burkina, CRS Burkina, Mali et Niger sont déjà engagés dans des programmes d’aide aux populations réfugiées ou déplacées en collaboration avec UNHCR ou d’autres organisations d’aide.

 

Après l’élaboration du plan de contingence régional par les Caritas du Mali, du Niger, du Sénégal et du Burkina Faso, un appel d’urgence a été lancé depuis mi-décembre 2012 (EA38/2012) par Caritas Internationalis pour permettre aux Caritas de réaliser des interventions de qualité dans la prise en charge des réfugiés et personnes déplacées.

Avec l’intervention militaire française, des concertations sont en cours pour révision de l’EA38/2012 dans un premier temps afin de permettre aux Caritas impliquées d’intégrer des volets d’urgence. Les actions suivantes sont considérées comme prioritaires dans la révision de l’appel d’urgence :

- Réaliser des évaluations de la situation dans les zones où sont les personnes déplacées/refugiés ;

- Mettre en oeuvre un dispositif régulier de suivi de l’évolution de la crise (collecte et la diffusion d’informations) ;

- Renforcer les capacités des équipes opérationnelles : certaines formations sont indispensables dans le contexte de guerre pour le personnel opérationnel (exemple de la sécurité des personnes et la gestion de la sécurité) ;

- Améliorer la capacité d’intervention et de coordination de Caritas Mali : recruter du personnel pour Caritas Mali et renforcer les équipes diocésaines opérationnelles pour éviter que les mêmes personnes soient au four et au moulin à la fois (problème d’efficacité) ;

- Pré-positionner des vivres et des NFI dans les localités les plus affectées (Bamako, Ségou, San, Koutiala et Mopti au Mali et éventuellement à la frontière du Burkina et du Niger) ;

- Renforcer le mécanisme de coordination des équipes terrain autour des Caritas nationales : partager les informations sur les engagements, créer une meilleure synergie d’action entre les membres de Caritas dans la région etc.

- Intégrer les besoins des populations locales dans les actions de prise en charge et penser à accompagner la cohésion sociale entre populations hôtes et populations déplacées/réfugiées pour éviter les conflits autour des ressources ;

- Structurer l’action des Caritas de manière à favoriser la paix sociale et une plus grande tolérance dans les comportements des populations.

 

A venir :

Caritas au Sahel est entrain de réviser le EA38/2012 et espère le rendre disponible pour début février 2013. Caritas Mali se déplacera au Burkina la semaine du 28 janvier au 2 février et nous voulons saisir l’occasion pour finaliser la révision de l’EA38-2012.

 

Caritas au Sahel lance un appel à tous les membres de la confédération Caritas et aux organismes partenaires dans les initiatives de développement. Le Sahel est à la croisée des chemins. Si vous n’agissez pas maintenant, vous aurez probablement eu raison parce que la situation est difficile à cerner ou encore parce que les choix de Caritas au Sahel ne répondent pas à vos critères propres. Mais nous aurons certainement à faire face demain ensemble à des conséquences insurmontables. Nous demandons un véritable engagement de Caritas pour le Sahel. Ensemble nous serons plus forts pour relever les défis qui s’annoncent si importants.

 

Merci à tous ceux qui nous envoient des mots de soutien et d’encouragement. Merci à tous ceux qui ont déjà apporté des contributions à notre appel. Merci aussi à ceux qui s’organisent jour et nuit pour nous soutenir de leurs ressources. Merci à ceux qui nous portent dans leurs prières de tous les jours pour que nous puissions bannir la violence et la haine de nos cœurs. Dieu vous bénisse !

 

Abbé Isidore OUEDRAOGO

Secrétaire Exécutif National

                                                                                 OCADES Caritas Burkina



12/07/2013
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