caritasausahel

caritasausahel

Refugies maliens au Burkina : Entre paix et incertitude

Depuis février 2012, les touaregs  franchissent par milliers la frontière entre le Mali et le Burkina pour s’installer dans des camps de fortune, mis en place par le HCR, comme ceux de Mentao, à plus de 300 km, au Nord de la capitale, Ouagadougou. En dehors de quelques effets et autres bagages nécessaires et le petit bétail, ils ont presque tout laissé au Mali. Mais pour eux, c’est le prix à payer pour avoir la paix. Dans ces camps de réfugiés de Mentao vivent des femmes et des jeunes, venus pour la plupart de la région de Mopti, partagés entre la paix et l’incertitude, après un an d’exil en terre burkinabé. Reportage.




 

 

 

Une jeune femme, habillée d’une djellaba rouge,  rencontrée sur le site des réfugiés de Mentao Nord, âgée de près de quarante ans, accepte de se présenter : « Je suis Matata Wallete, mariée et mère de 02 enfants ». Dans ce camp, Matata Walette exerce une fonction bien précise : « Je suis la responsable élue des femmes et animatrice de Caritas Burkina pour la sensibilisation et la formation dans le cadre du projet de l’énergie domestique ».

 

A l’instar des autres femmes, son entrée dans le territoire burkinabé est synonyme de paix : « Depuis que nous sommes arrivés à la frontière du Burkina, soutient-elle, nous nous sentons en sécurité, jusqu’à ce jour. Ici tout se passe bien. Les autorités et populations nous ont bien accueillis et nous sommes en paix avec elles».

 

Même son de cloche chez Aicha, une jeune touareg, bien frêle, âgée seulement  de 20 ans. Encore marquée par le geste d’hospitalité des forces de police à la frontière du Burkina, elle affirme : « A la frontière les policiers nous ont même souhaité la bienvenue. » Ali Ag Alassane, 19 ans, tient aussi à donner la raison principale de sa présence à Mentao Nord : « Je suis venu ici avec toute ma famille pour avoir la paix parce qu’on était très menacé à Sévaré ».

 

Seulement, la paix ce n’est pas tout et ne donne pas tout. Selon Matata Wallete, les femmes touaregs à Mentao sont désœuvrées : « Notre plus grand problème est que  nous ne pouvons mener aucune activité génératrice de revenus ». Elle signale même que ce manque de revenus a failli plomber le projet des foyers améliorés lancé par l’OCADES Caritas Burkina, pour préserver l’environnement. La raison évoquée : « Les femmes voulaient des motivations financières dans ce projet pour avoir un peu d’argent afin de mener des petites activités de commerce, en vue de mieux s’occuper de leurs familles », explique cette ancienne animatrice à Oxfam Mali, dans la région de Mopti.  

 

En attendant ces motivations, elles apprécient les résultats bénéfiques des foyers améliorés. Matata Wallete exprime leur reconnaissance : « C’est vraiment grâce à Caritas Burkina que nous avons découvert les foyers améliorés et nous les  trouvons bénéfiques sur tous les plans : économie, hygiène et autres. Nous leur disons merci pour cela ».

 

Ces femmes se font aussi des soucis pour leurs enfants. Selon la présidente des femmes : « Nous avons des problèmes pour assurer l’habillement et l’éducation scolaire de nos enfants ». Il n’y a qu’une seule école élémentaire dans le camp ouverte par les organismes humanitaires. A cela s’ajoute cette difficulté liée aux vivres distribués par les ONG, peu conformes à leurs habitudes alimentaires.

La détresse et l’angoisse se sont également emparées des jeunes. Ali Ag Alassane témoigne : « Nous les jeunes, nous ne pouvons rien faire ici. Nous passons nos journées à boire du thé, à écouter la radio et à passer d’un arbre à un autre, à la recherche de l’ombre ». En plus, « dans ce camp, il n’y a pas de loisirs sauf quand les intervenants d’une Ong viennent avec des jeux de dame et de scrabble. Mais ils repartent avec, à la fin de leur intervention », poursuit-il avec désolation.

 

Mais il y a plus grave pour ce jeune homme, habillé à l’européenne, qui est arrivé au camp des réfugiés de Mentao, il y a un an. A Sévaré, il était en classe de terminale et envisageait une formation qualifiante en génie civil. Aujourd’hui, il ne lui reste presque plus d’espoir. « Je m’inquiète sérieusement pour mon avenir. Je devais passer mon bac, il y a un an, voilà que je ne suis plus reparti en classe depuis. Tout semble perdu maintenant. Je ne vois pas comment les choses changeraient au Mali pour que nous pussions retourner chez nous. Il n’y a pas de collège ou de lycée dans le camp. Aller poursuivre ma scolarité à Ouagadougou est hors de portée pour ma famille », confie-t-il. Nous n’avons même pas d’amies  à cause de la barrière de la langue locale, le peulh » ajoute-t-il avant de rejoindre les autres jeunes touaregs sous un arbre.

 

Les femmes et les jeunes touaregs réfugiés à Mentao font la douloureuse expérience que si sans la paix, on ne peut rien construire, avec elle il faut tout reconstruire.

Roger GOMIS

Chargé de Communication

Caritas Sénégal



12/07/2013
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 21 autres membres